Le caractère inexorable du changement climatique, nous contraint à devoir investir dans les énergies renouvelables. Le conflit en cours en Ukraine et le fait de devoir renoncer à 40% du méthane que nous brûlons devrait accélérer ce processus.
de Alberto Ferrucci
publié sur Città Nuova le 16/05/2022
L’été arrivé en avance en mai et les rivières à sec des Vallées Padouanes nous rappellent que le changement climatique progresse inexorablement même si la guerre en Ukraine l’a fait passer au second plan. Guerre qui, à dire vrai, nous donne une raison de plus de nous en occuper : la perspective de devoir diminuer de 40% le méthane que nous brûlons nous indique à nouveau l’urgence qu’il y a à substituer par des énergies renouvelables cette source d’énergie à laquelle nous nous fions pour notre usage domestique ou industriel, premier pas vers la minimisation drastique de nos émissions de gaz à effet de serre.
Le gaz naturel est principalement du méthane, composé d’un atome de carbone pour quatre atomes d’oxygène. Les hydrocarbures du pétrole contiennent en moyenne deux atomes d’hydrogène pour un atome de carbone. Le charbon est pratiquement du carbone ; lors de sa combustion l’oxygène transforme le carbone en anhydride carbonique tandis que l’hydrogène devient de l’eau. Remplacer dans les centrales électriques le charbon par du gaz naturel signifie produire de l’énergie en divisant par deux les émissions d’anhydride carbonique le principal gaz à effet de serre.
L’Italie ayant renoncé à l’énergie nucléaire, le gaz naturel est le stade intermédiaire vers les énergies renouvelables que sont le photovoltaïque, l’éolien et la géothermie ; il a été choisi à cause de son abondance en Sibérie, Afrique, Moyen Orient et dernièrement en Méditerranée orientale.
Grâce non seulement à la découverte de gaz à Cortemaggiore dans les vallées padouanes dans les années 50 du siècle dernier et mais aussi à l’intuition d’Enrico Mattei pour qui sa distribution dans tout le territoire pouvait accélérer l’industrialisation, l’Italie s’est dotée d’un réseau de milliers de kilomètres de gazoducs. Par la suite ceux-ci ont été connectés avec des gazoducs externes pour recevoir du gaz de différentes provenances : Azerbaïdjan dans les Pouilles, Pays-Bas en Lombardie, Algérie en Sicile via Mazara del Vallo, Lybie à Gela et Russie en Vénétie.
Même en réouvrant les centrales au charbon encore utilisables, renoncer à 40% du gaz russe n’est pas simple ; cela suppose l’augmentation des livraisons par l’Algérie et par l’Azerbaïdjan, ainsi que la réactivation d’extraction en mer Adriatique et Ionienne à laquelle il avait été renoncé pour des raisons environnementalistes très superficielles.
Mais tout cela ne suffira pas ; ce gaz devra parvenir sous forme liquide avec des navires gaziers (LNG), il doit être gazéifier chez nous, alors que nous avons renoncé pour des raisons purement politiciennes à l’installation d’une nouvelle station flottante de regazéification (FRSU) devant Brindisi. Actuellement nous ne disposons que d’un regazéificateur en Ligurie à Panigaglia, construit il y a plusieurs années pour le gaz liquide lybien, ainsi que de deux plus récents à Livourne et à Rovigo.
Si la Snam réussit à remplir le mandat du gouvernement en louant pour Piombino et Ravenne deux des cinq FRSU disponibles sur le marché mondial, nous pourrions regazéifier le GNL convenu avec les pays producteurs que sont le Qatar, le Congo, l'Angola, le Mozambique et l'Égypte ; toutes ces nations considèrent l'Italie comme un pays ami, se souvenant qu'à l'époque où il était à la tête d'Agip, Enrico Mattei avait défié les multinationales du pétrole en offrant à ces nations une relation équilibrée et en leur construisant des raffineries afin de leur éviter des importations.
Opter résolument pour le photovoltaïque et l'éolien est certes nécessaire, mais cela ne se fera pas en quelques mois, même si les nombreux projets stoppés depuis des années par le ministère de la Culture et les Régions, souvent en raison de contraintes paysagères, sont débloqués. Évidemment, voir des éoliennes bouger au loin perturbe l'agrément du paysage et le vol des mouettes lorsqu'il s'agit de projets situés à 12 miles des côtes italiennes.
Ce n'est peut-être pas agréable, mais pour l’heure ce serait beaucoup mieux que de perdre son emploi à cause de la fermeture d'entreprises ou bien que de souffrir du froid en hiver et de la chaleur en été ; à mon avis il vaudrait mieux supporter le spectacle des pales d’éoliennes pendant les 25 prochaines années, la durée de leurs permis d'exploitation, au terme desquels on s'engage à les démanteler, en attendant que la fusion nucléaire fournisse à nos petits-enfants une énergie illimitée.
La crise de la guerre en Ukraine a maintenant l’effet positif d’obliger le gouvernement à débloquer au moins les permis les plus pertinents. Les accords déjà passés pour des livraisons complémentaires de gaz naturel gazeux ou liquéfié ne couvriront probablement pas tous les besoins ; il est clair qu’avant que ces importations soient opérationnelles il sera peut-être nécessaire d’importer du GNL des Etats-Unis même s’il serait mieux de ne pas en favoriser la production, celle-ci étant en grande partie réalisée avec la technique de fracturation des roches profondes qui entraine des émissions de méthane, gaz à effet de serre vingt fois plus dommageable que l’anhydride carbonique.
Que pouvons-nous faire en tant que citoyens ? Réduire nos consommations d’énergie, en allant à pied, à vélo ou avec les transports en commun, en isolant les logements et en les équipant de « pompes à chaleur » qui chauffent en consommant trois moins d’énergie qu’un chauffage électrique traditionnel.
Arrivera-t-on à appliquer les sanctions sur le gaz ? Dans ce cas, la Russie devrait réduire sa production et perdre des revenus, car elle ne dispose pas de gazoducs suffisants vers la Chine, ni de stations de liquéfaction sur sa côte arctique au niveau des puits de production : celles-ci étaient en construction avec des entreprises occidentales, qui se sont retirées avec la guerre.
Le revenu du gaz pour la Russie est vital, à tel point que, les sanctions n'étant pas encore en vigueur, la quantité de gaz russe atteignant l'Italie a augmenté ces derniers temps : à la fois en raison du prix élevé, mais peut-être aussi parce que la Russie préfère minimiser la quantité dans ses stockages souterrains, afin d'y avoir plus d'espace disponible lorsque les sanctions supprimeront d'autres débouchés.
Nous, consommateurs, ne devrions toutefois pas avoir de problèmes de pénurie dans les mois à venir, car la consommation est réduite en été et le gaz naturel est détourné vers nos stockages souterrains : c’est plutôt vers le printemps prochain que nous devrions avoir des difficultés, si rien n'est résolu d'ici là.